Impact

“Réemploi du mobilier pro : y’a encore du boulot ! »

Morning Iéna - 44% d'émissions CO2 évitées sur ce chantier grâce au réemploi

Chaque année, pas moins de 250 000 tonnes de mobilier de bureau sont envoyées à la décharge. Rien qu’à Paris, c’est le festival du gaspillage avec, chaque jour, une entreprise de 150 salariés qui jette des meubles utilisables.

Ces chiffres posent un grand nombre de questions. Comment expliquer de tels volumes de déchets non valorisés ? Quels freins viennent entraver des pratiques plus vertueuses ?  Quelle est la capacité du secteur à faire face aux enjeux de durabilité ?

Que vous soyez en plein réaménagement de votre espace de travail ou que vous envisagiez de faire vos adieux à quelques vieux meubles de bureau, nous vous partageons un rapide état des lieux du secteur pour mettre en lumière les défis à venir et certaines pratiques à suivre. Au-delà du simple fait d’acquérir ou de céder un objet, les entreprises doivent prendre conscience de l’impact qui en découle.

L’économie circulaire du mobilier professionnel

Tout comme d’autres secteurs, l’économie circulaire du marché du mobilier professionnel englobe trois secteurs distincts : le réemploi, la réutilisation et le recyclage. Nous vous les présentons ici avant de mettre l’accent sur le réemploi.

Trois choix possibles : réemploi, réutilisation et recyclage.

Des options qui répondent à des besoins particuliers

Certains supposent à tort que l’envoi de leurs meubles chez un éco-organisme spécialisé est la solution à tous leurs problèmes. Or, il est important de distinguer les différents métiers pour bien comprendre où vont atterrir vos meubles pour mieux saisir l’impact final de leur nouvelle vie. Trois secteurs sont concernés : le réemploi, la réutilisation et le recyclage.

=> Le réemploi : “On prend le même et on recommence !”

Le réemploi est l’option la plus simple. Il s’agit d’une remise sur le marché d’un même objet, pour un besoin identique. Cette option permet notamment d’éviter la production de nouvelles matières premières mais surtout de se dispenser d’un processus de fabrication. Nous reparlerons plus loin de ses nombreux avantages. 

=> La réutilisation : “Matière identique, autre usage, nouvelle histoire !” 

La réutilisation consiste à convertir l’usage d’un objet sans modifer sa matière. Exemples : une chaise transformée en tabouret, un volet qui intègre une table basse. Il s’agit uniquement d’opérer des modifications formelles. Les acteurs du secteur vont souvent récupérer les parties encore vaillantes d’un meuble, en délaissant les autres qui pourront être recyclées.

=> Le recyclage : “Rien ne se perd, tout se transforme !” 

Le recyclage est la troisième voie pour prolonger la vie d’un objet. Elle opère une véritable transformation de la matière pour la valoriser différemment. Ainsi, des matières plastiques issues de bouteilles d’eau peuvent intégrer des plateaux de tables de réunions.  A noter également que des déchets naturels comme les coquilles d’huîtres peuvent se retrouver dans la composition de vos tables basses. L’équipe d’Ostrea ne vous dira pas le contraire.

Réemploi : l’option la plus impactante et la moins visible.

Comment expliquer un tel paradoxe ?

Parmi les pratiques durables, le réemploi mobilier figure bon dernier, avec seulement 4% des mobiliers usagers réintroduits “tels quels” dans le circuit. Cette verticale est pourtant la plus impactante. A l’instar des bouteilles consignées qui émettent 15 fois moins de carbone que des bouteilles recyclées, le mobilier “seconde main” est bien moins énergivore que le mobilier recyclé. Les raisons de son insuccès sont nombreuses, à la fois sociologiques, économiques et structurelles.

=> Des entreprises pas toujours concernées : 

Comme énoncé plus haut, chaque jour, à Paris, une entreprise de 150 salariés jette des meubles encore propres au service. Ce chiffre illustre un véritable fléau : le « démontage express ». Certaines équipes préfèrent jeter rapidement les meubles plutôt que de les démonter soigneusement pour leur donner une seconde chance de briller. Autre facteur explicatif : les entreprises vont souvent engager des déménageurs pour vider les bureaux, dont le mobilier n’est pas le métier.

=> Des tarifs peu compétitifs : 

En règle générale, le mobilier de “seconde main” coûte plus cher que le neuf. Et pour cause : pour intégrer le circuit du réemploi, le mobilier doit être de bonne qualité, avec des pièces durables, démontables et réparables. Les références de mobiliers de basse qualité comme Ikéa ne peuvent en faire partie. Or, ces pièces sont vendues neuves à prix très faibles.

=> Une offre difficile à suivre : 

La mode dans le secteur du mobilier change tout le temps, les éditeurs ayant intérêt à présenter des pièces nouvelles à la vente. Côté “seconde main”, le rythme est dur à suivre. Vendre du mobilier passé de mode, à un prix décent, constitue alors un vrai défi. 

Des acteurs de l’économie circulaire, invités à une conférence lors de la Paris Design Week (sept 2023)

Le réemploi : des acteurs multiples, un impact inégalable.

Malgré des pratiques bien faibles en comparaison de la réutilisation et du recyclage, le réemploi du mobilier offre de nombreux avantages. Avant de vous les présenter, listons d’abord l’ensemble des acteurs économiques concernés par le sujet.

Tous les acteurs de la chaîne,

entre le revendeur et l’acheteur

Entre l’entreprise qui vend son mobilier et celle qui va le racheter, différents acteurs peuvent entrer en jeu. Voici un rapide tour de piste des intermédiaires. L’occasion de découvrir les coulisses d’un secteur peu mis en lumière.

=> Les déménageurs : 

Chargés de vider les espaces de travail, ils se retrouvent souvent avec des pièces de mobiliers rachetées à bas coût ou simplement récupérées. Plusieurs options s’offrent à eux : mise en décharge, récupération des pièces par les employés, revente sur des marketplace ou auprès de grossistes. 

=> Les brokers :  

Profitant d’une importante capacité de stockage, les brokers récupèrent un grand nombre de meubles et peuvent jouer sur ces volumes pour proposer un prix de rachat compétitif aux entreprises. De plus en plus de brokers jouent la carte de la coopération pour récupérer les volumes croissants des déménageurs. Ils en profitent par ailleurs pour optimiser leur espace de stockage. 

=> Les petits revendeurs 

Informés en amont par l’entreprise qui déménage, ces agents opèrent un inventaire des pièces disponibles avec une proposition de tarif à l’achat. Parmi eux, nombreuses sont les petites entreprises et associations. Parmi les acteurs, citons Burocase et Burotri.

=> Les reconditionneurs 

Le réemploi dépasse la simple vente de meubles d’occasion. Les reconditionneurs comme Adopte un bureau vont donner une seconde vie aux chaises et aux tables pour les remettre au goût du jour. Ils peuvent remplacer des pièces, réemployer des matériaux, rénover des plateaux, tout en gardant une qualité qui rivalise avec celle du neuf.

Des atouts à faire valoir

On l’a dit, le réemploi a un impact environnemental significatif. Outre cet avantage, d’autres vertus sont à mettre à son crédit pour convaincre un plus grand nombre d’entreprises. Voici 3 bonnes raisons de l’envisager. 

=> Réaliser des économies : 

Les entreprises qui ont une bonne connaissance du marché et des offres de reprise “seconde main” vont pouvoir revendre leurs meubles dans les meilleures conditions. Un acteur comme Redesk s’engage notamment à partager 50% de la valeur obtenue à la revente. Plus les entreprises si prendront en amont de leur déménagement, plus elles pourront réaliser des économies. La même logique s’applique aux entreprises qui vont acquérir ce mobilier.

=> Engager son entreprise : 

S’engager dans le circuit du réemploi revient à soigner son bilan carbone. Ce genre d’actions participe à l’obtention d’une certification B-Corp ou a minima de nourrir un discours de marque qui pourra soutenir votre marque employeur. Cette seule action ne sera pas suffisante, mais elle pourrait bien en déclencher d’autres.

=> Créer un décor unique : 

Par nature, le réemploi peut être moins adapté pour obtenir de grandes quantités, mais ce n’est pas hors de portée. Archi d’intérieur ou office manager vont se transformer en “chineur” pour habiller les différents coins de leur espace de travail. Ce qui sera une contrainte pour certains pourrait bien être un moyen de se différencier pour d’autres.

Réemploi : défis & perspectives

Comme évoqué précédemment, le mobilier “seconde main” coûte plus cher que le neuf. Cette situation n’est pas tenable sur le long terme. “Pour que le marché de la seconde main prospère à long terme, il est nécessaire que les prix franchissent courageusement la barre des 50% par rapport au neuf.” confie Jules Prétot (Redesk). Pour y parvenir, le secteur doit relever certains défis. 

Rationaliser la chaîne

pour limiter les coûts

L’un des enjeux clés est la rapidité du partage de l’information et du transfert des objets. Cette rationalisation passe par la numérisation de certaines interfaces et la spécialisation de certains intermédiaires.

=> Optimisation technologique : 

Le partage des données au sein de la chaine du « seconde main » peut sembler archaïque. Des ingénieurs doivent s’emparer du sujet pour moderniser et numériser les processus d’inventaire. L’objectif : mettre au point des interfaces faciles d’accès, pour l’ensemble des acteurs.  

=> Simplification des flux : 

Actuellement, les entreprises de déménagement jonglent avec la collecte, le stockage, le tri et la redistribution des meubles. Cette diversité – nécessaire aujourd’hui – entraîne des coûts logistiques élevés et empêche des perspectives sur le plus long terme. Des intermédiaires doivent pouvoir s’insérer pour accélerer certaines étapes.

Informer les entreprises

pour faire évoluer les comportements

Les entreprises ne sont pas suffisamment informées sur les possibilités de mettre en vente leurs pièces de mobilier. Il y a un réel travail de pédagogie à effectuer pour sensibiliser le plus grand nombre d’entreprises sur le sujet. Pour passer à l’échelle, l’évangélisation doit aussi opérer du côté des acheteurs, qui doivent saisir les vertus de l’investissement “seconde main”.  

Par ailleurs, le traçage des produits est aujourd’hui impossible. Une entreprise qui va placer ses meubles usagés dans la filière “réemploi”  s’adresse à des organismes généralistes, qui pratiquent à la fois le réemploi, la réutilisation, le recyclage mais aussi la destruction. Elle va transmettre ses pièces sans se préoccuper de ce qui se passe ensuite. Or, pour des raisons économiques, nombreux sont les meubles qui ne seront pas réemployés.

Profiter des initiatives publiques

pour avoir les reins plus solides

Les acteurs du réemploi sont de plus en plus aidés par l’État. Depuis plusieurs années déjà, le dispositif d’éco-participation oblige distributeurs et fabricants à être responsable de la seconde vie du mobilier. Le déploiement du dispositif a été confié à des éco-organismes comme Valdelia et Éco Mobilier qui touchent des fonds pour assurer la durabilité du mobilier ou lui trouver la meilleure fin de vie.

Par ailleurs, une initiative récente nommée EC 2027, dirigée par Pierre Emmanuel de Saint Esprit, encourage la mise en place de mesures favorisant l’économie circulaire, notamment l’obligation pour les fabricants de fournir des pièces de rechange et le soutien aux initiatives de réemploi.

Logo EC 2027

Le secteur du réemploi dispose d’une grande marge de progression. Son potentiel pourrait lui permettre de transformer le secteur du mobilier professionnel et en faire un acteur majeur de l’économie circulaire. Si vous avez des questions ou des commentaires pour compléter ces différents points, n’hésitez pas à nous le faire savoir en commentaires.

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Vous savez à peu près tout sur les process mis en place pour le réemploi du mobilier professionnel. Si vous avez des idées pour enrichir le sujet, n’hésitez pas à nous les partager en commentaire dans le champ ci-dessous !
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Sarah SONNECK

Sarah rédige des beaux contenus pour mettre en lumière nos espaces de travail, nos engagements et les engagés de cette société !