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“La parentalité : un enjeu de société, un incontournable pour l’entreprise”

Depuis 2017, Pamela Corbin-Audoux est investie dans les sujets diversité, équité & inclusion en milieu professionnel. Après 2 ans chez Doctolib, elle évolue désormais chez Decathlon Digital comme responsable de la diversité et de l’inclusion. Sa mission : faire en sorte que les équipes reflètent un peu plus la société dans laquelle nous vivons.

Parmi ses thèmes de prédilection : la parentalité en entreprise. Pamela se distingue par une approche pragmatique. Elle partage ici quelques conseils pour toutes les organisations qui veulent soigner les (futurs) parents.

La parentalité est-il un nouveau sujet d’inclusion,
aux portes du “perso” ?

De nombreuses entreprises organisent des goûters et des distributions de cadeaux en fin d’année où l’on croise les enfants de nos collègues. D’autres offrent des places en crèches pour faciliter la vie des nouveaux parents. Les mutuelles offrent des contrats qui prennent en compte les dépenses de santé des ayants droit. Et pourtant, j’entends encore beaucoup de contacts qui travaillent dans les RH se demander si on n’en fait pas trop pour les parents, si on ne frôle pas l’ingérence.
Je crois que la crise du COVID a joué un rôle d’accélérateur au sein des directions RH. En période de confinement, nous sommes entrés chez nos collègues via les visioconférences, et certaines circonstances personnelles et familiales ont été mises en lumière. Cette perméabilité pro/perso forcée a obligé l’entreprise à composer avec ces contraintes qui étaient jusque-là souvent considérées comme appartenant exclusivement à la sphère intime. 

Aujourd’hui, les attentes des parents vis-à-vis de leur employeur se situent à cet endroit, et me paraissent plutôt raisonnables : on parle surtout de flexibilité et de soutien. Les ignorer, c’est risquer de perdre des talents, parents et futurs parents, qui ne se sentent pas épaulés.

Alors, quelles responsabilités sociales et sociétales doit porter l’entreprise aujourd’hui et demain ? La parentalité pose de nombreux défis, au même titre que bien d’autres sujets d’inclusion : genre, nationalité, handicap, etc.. La société avec un petit s doit jouer un rôle pour que la Société avec un grand s devienne meilleure.

Le cadre légal de la parentalité évolue lentement mais s’adapte aux changements de mentalité. Pour preuve, le projet du gouvernement relatif au congé de naissance annoncé en janvier 2024 qui vise à transformer un texte qui date de 1977, remanié en 2015, et en 2021. En ligne de mire : un monde du travail plus inclusif pour les parents et a priori moins discriminant pour les femmes. Pour y parvenir, le projet prévoit de mieux rémunérer le congé pour permettre aux deux parents d’être auprès de leur enfant pendant six mois. Affaire à suivre…

Quels seraient vos conseils
pour une politique “parentalité” réussie ?

Au fil des années, j’ai répertorié quelques bonnes pratiques mises en place par tous types d’organisations. S’il n’y a pas de recette miracle applicable à toutes les entreprises, j’entrevois quand même trois points à garder à l’esprit lors de la mise en œuvre de leur politique parentalité.

#1 Réaliser un audit de ses propres pratiques
Avant toute chose, prenez le temps de faire le point sur l’existant. Listez l’ensemble des pratiques en cours. Quelle proportion des parents bénéficient de ces initiatives ? En font-ils usage de manière optimale ? Analysez la donnée quantitative puis consultez vos collègues parents pour mieux l’interpréter : sont-ils au courant de ces initiatives ? L’information est-elle facile d’accès et claire ? S’ils ont eu recours à ces services, en sont-ils satisfaits ? Cet état des lieux vous permettra de cerner les zones d’amélioration possible.

#2 Embarquer ses équipes
Inventez avec les personnes concernées. Partagez avec elles la vision qui guide votre prise d’action. Sondez vos salariés, organisez des ateliers, fixez les objectifs en commun. Vous ferez des choix plus éclairés, tout en instaurant un climat de confiance.
Les stratégies imaginées pour des parents, mais sans les parents sont rapidement rendues caduques par l’expérience vécue de vos employés. Testez vos idées, observez les résultats. La co-construction fait naître des solutions qui collent généralement mieux aux besoins des parents. De très bonnes idées, qui ne demandent pas de budget dédié, voient ainsi le jour : une communauté de parents ou l’on peut échanger des conseils et bons plans, publier des petites annonces, ou organiser des activités ensemble entre parents d’enfants du même âge…

#3 S’améliorer, en continu
Adoptez une approche “Test & learn”. Interrogez régulièrement les parents de votre effectif, faites le point une fois par an : qu’est-ce qui fonctionne, ou pas, et pourquoi ? Renseignez-vous également sur les bonnes pratiques autour de vous, parlez-en à d’autres RH. Et faites preuve d’humilité car vos solutions ne seront pas toujours couronnées de succès dès le premier essai. Dans ce cas, constatez l’échec en toute transparence. Et bâtissez ensuite une meilleure solution qui reposera sur les fondations de cet échec et de l’expérience acquise.

Quels sont les écueils principaux à éviter selon vous ?

Je remarque certaines maladresses récurrentes. Là encore, je vois 3 points à éviter pour optimiser les chances de réussite de votre politique parentalité.

#1 Mal communiquer sur l’existant
C’est l’un des points clés du Parental Challenge : mieux communiquer leurs droits aux salariés pour les informer des dispositifs auxquels ils ont accès. Ces infos sont-elles dans un coin poussiéreux de l’intranet, accessibles au bout de huit clics? Sont-elles formulées de façon simple et claire ? Fournir une information compréhensible et accessible, c’est la base.
Mais mal communiquer, c’est aussi communiquer au mauvais moment. Si vous concentrez la transmission des infos “parentalité” au moment de l’onboarding, votre message finira aux oubliettes. Idem si vous vous contentez d’une mention une fois par an dans la newsletter. Pensez aussi à envoyer systématiquement le lien vers la liste des dispositifs à chaque fois que vous recevez une attestation de grossesse, ou une demande de congé marernité, second parent ou d’adoption, par exemple.

#2 Vouloir en faire toujours plus
Avant de mettre en œuvre de nouvelles pratiques pour accompagner les parents, regardez si ce qui existe est déjà optimisé. Peut-on améliorer l’expérience offerte ? Par exemple : avons-nous vérifié l’état du fauteuil dans la salle d’allaitement ? Est-ce le parent de retour de congé d’accueil d’enfant retrouve sans peine tout le matériel nécessaire pour travailler ? La trame de l’entretien obligatoire de retour de congé maternité nous permet-elle d’avoir des informations pertinentes ?

#3 Considérer uniquement les nouveaux parents
Concentrer ses politiques parentalité sur la périnatalité, c’est mettre de côté les parents d’enfants en âge scolaire, ados… et les enfants qui ont des besoins spéciaux (permanents ou temporaires). Il est donc important de connaître les âges des populations d’enfants concernés pour bien adapter vos propositions. Proposer des réductions pour des cours de soutien scolaire, des webinaires sur les moyens de gérer l’opposition à l’adolescence, ou un accompagnement aux inscriptions à Parcoursup, dans votre “pack parentalité” pourrait s’avérer judicieux. Sans oublier les futurs parents qui pourraient avoir besoin de soutien dans leur parcours de préparation à la parentalité (informations, santé, fertilité, PMA…).”

***

Quand on parle de politique de parentalité, la question de l’équité par rapport aux non-parents revient fréquemment. Si vous proposez une forme de flexibilité pour les parents, il faut aussi pouvoir penser aux aidants de manière plus large. À chaque organisation de coller à sa propre réalité en prenant le temps d’interroger les personnes concernées. Ce que j’observe, c’est le changement de référentiel qui est à l’œuvre. L’entreprise peut jouer un rôle plus important encore auprès des aidants et elle trouvera son intérêt tant pour améliorer le bien-être des collaboratrices et collaborateurs, ce qui est un facteur clé de rétention, que pour se rendre plus attractive auprès des futures recrues. Alors pourquoi ne pas se lancer ?

POUR ALLER + LOIN :
☞ « La parentalité en entreprise : il y a encore du boulot ! » Flore Villemot, (DRH The Boson Project)
☞ “Tout faire pour permettre aux parents de profiter” Marie Barbier (DRH Morning)

François Bénard

Responsable éditorial, Morning.

François est responsable éditorial chez Morning. Ce qu'il préfère dans cette aventure ? Les rencontres et les échanges avec les voisins pour se réinventer en permanence.