Espaces & design

10 espaces de travail, sur le fil de l’histoire.

Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’évolution de l’espace de travail est notable. Sa fonction, son emplacement, son design ont répondu à des objectifs bien variés au fil de l’histoire. Le tablinum Pompéien et le bürolandschaft berlinois sont remarquables en bien des points, chacun étant relié à une activité, un contexte économique et social particulier.

Aujourd’hui, l’évolution des espaces de travail se poursuivent et semblent même s’accélérer. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un oeil aux tables de réunion suspendues d’Autodesk, les bureaux 100% dog-friendly de Bark, ou la récente accélération des bureaux outdoor… Pour marquer une petite pause, nous souhaitions vous proposer un rapide clin d’oeil dans le rétro de l’Histoire pour ressortir 10 espaces de travail iconiques !

1) Le tablinum de la Rome Antique

Quand : entre le VIIIe siècle av. J-C et le IVe siècle.
Où :
dans les domus (habitations) romaines.
Caractéristiques : un espace situé fond de l’atrium de la maison dédié à l’archivage, avec une table fonctionnant comme bureau.

Le tablinum dans les ruines de la maison de Marcus Lucretius Fronto, à Pompéi

De nombreuses évidences suggèrent que les premières structures ressemblant à des bureaux tels que nous les connaissons aujourd’hui remontent à la Rome antique avec l’officium (désignant plus une activité qu’un espace en latin ; et dont le terme « office », en anglais, dérive) et, plus particulièrement le tablinum, pièce de l’habitation romaine consacrée à l’archivage et à la documentation, fonctionnant aussi comme bureau du maître de la maison. Il se situait normalement au fond de l’atrium de la domus romaine.

2) Le scriptorium du Moyen Âge

Quand : entre le Ve et le XVe siècles.
Où :
en Europe, dans les abbayes et les bâtiments officiels, comme le monastère de Vivarium en Italie et les palais royaux européens.
Caractéristiques : une table de bureau inclinée sur laquelle les moines préparaient leurs manuscrits.

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Le scriptorium : représentation du bureau d’un moine copiste au Moyen Âge

Au Moyen Âge, un espace de travail très commun à l’époque était le scriptorium (mot latin dérivé du verbe scribere qui signifie « écrire »), effectivement le bureau où les moines copistes réalisaient leurs activités. Plus tard, ce modèle va influencer la chancellerie médiévale (du latin cancellaria), bureau dédié aux activités diplomatiques et à la production de documents officiels dans un lieu de pouvoir.

3) Les ateliers d’artistes et l’Uffizi de la Renaissance

Quand : entre le XIVe et le XVIe siècles.
Où :
Florence et alentours.
Caractéristiques : un espace ouvert, avec des tables et du matériel de travail, propice à la création et à l’échange.

L’atelier d’artistes : représentation de l’académie du sculpteur Baccio Bandinelli

Dans la Renaissance, ce sont les ateliers d’artistes qui s’imposent comme espace de travail modèle où, souvent, de nombreux esprits créatifs se retrouvaient pour avoir des idées, encourager le dialogue et faciliter la convergence entre l’art et la science. C’est aussi l’époque de l’Uffizi, le palais florentin abritant les bureaux du grand-duché de Toscane et la banque des Médicis, une espèce de précurseur des grands sièges modernes.

4) Les premiers sièges commerciaux de l’ère industrielle

Quand : entre le XVIIe et le XIXe siècles.
Où : e
n Angleterre, comme les sièges East India House et Old Admiralty Office, à Londres.
Caractéristiques :
des sièges commerciaux centraux destinés à organiser les processus de production et la distribution d’argent.

Siège de la Compagnie britannique des Indes Orientales, à Londres

À l’époque de la Révolution Industrielle, de nombreuses institutions ont compris la nécessité d’une administration centralisée et efficace pour ce qu’elle faciliter l’organisation des processus de production et la distribution de grandes sommes d’argent. C’est le cas de la East India House, siège de la Compagnie britannique des Indes Orientales, à Londres.

5) Les sièges « gratte-ciel » de la fin du XIXe siècle

Quand : entre la fin du XIXe et le début du XXe siècles.
Où :
les grandes villes des États-unis, comme New York ou Chicago, où fut érigé le premier gratte-ciel de l’histoire, le Home Insurance Building.
Caractéristiques :
des immeubles commerciaux très hauts abritant de nombreux bureaux, plus vastes et éclairés.

Les grattes-ciels : le Home Insurance building, à Chicago, fut le premier gratte-ciel de l’histoire

Des sièges centraux britanniques nous traversons l’Atlantique et passons aux sièges imposants d’Amérique. À la fin du XIXe siècle, l’architecture néoclassique domine déjà le paysage des grandes villes américaines comme New-York et Chicago. Un type d’immeuble commercial s’impose : le gratte-ciel. Ce modèle permettait non seulement des surfaces de bureau plus vastes et éclairés naturellement, mais aussi plus de bureaux dans un seul immeuble. Le Home Insurance building, à Chicago, du haut de ses 55 mètres, était célèbre pour être le premier gratte-ciel de l’histoire de l’architecture, construit en 1885.

6) Le bureau « rationnel » du XXe siècle de Taylor

Quand : au début du XXe siècle.
Où :
États-unis et en partie de l’Europe. Le Larkin Administration Building à New-York en est un exemple.
Caractéristiques :
de grands plateaux ouverts avec le plus de bureaux possibles, organisés selon les tâches réalisées.

evolution espace de travail bureau tayloriste
Le bureau d’inspiration tayloriste : de grands espaces avec des rangées de tables organisés de manière à favoriser le flux continu de production

Au début du XXe siècle, la croissance économique et la quête de productivité des puissances industrielles font émerger un nouvel espace de travail. Le design « tayloriste » est alors développé par l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor, visant à améliorer l’efficacité en favorisant la production dans les environnements de travail administratifs et industriels. C’est le modèle de la ligne de montage des usines qui va l’inspirer, afin de proposer un espace qui favorise la division du travail et le flux constant de la production, des activités et des documents.

7) Le bürolandschaft des Trente glorieuses

Quand : entre les années 1950 et 1970
Où :
Europe occidentale, en particulier l’Allemagne, comme les locaux de Büch und Ton, à Gütersloh.
Caractéristiques :
des plans libres et ouverts, des espaces aménagés de manière plus naturelle, grande importance du paysagisme.

La bürolandschaft : les locaux de Büch und Ton, conçus par le cabinet Schnelle, un bureau allemand typique des années 1960

Déjà dans l’après-guerre, l’espace de travail a subi une grande transformation, en particulier en Allemagne. Les concepteurs de ce modèle, appelé bürolandschaft (terme allemand pour « aménagement de bureau »), cherchaient à casser les structures rigides et inefficaces des grandes institutions bureaucratiques, et concevoir l’organisation spatiale du bureau en fonction des besoins des travailleurs. On trouvait alors des plans libres et ouverts, avec un mobilier dispersé dans de grands espaces aménagés de manière plus naturelle. Très souvent, des plantes fonctionnaient comme division entre les différentes aires de l’espace, dont la fonction était souvent dictée par le type et l’activité des salariées qui les habitaient.

8) Une évolution de l’espace de travail en « bureau d’action » 70’s

Quand : années 1970.
Où :
aux États-unis, avec les bureaux conçus par le designer Robert Propst en collaboration avec l’entreprise de mobilier de bureau Herman Miller.
Caractéristiques :
plan ouvert pour favoriser les mouvements, des espaces semi-fermés avec des cloisons.

Le « bureau d’action » :

Dans les années 70, une nouvelle approche commence à émerger. Le modèle de la bürolandschaft étant perçu comme très chaotique aux États-unis, le dit « bureau d’action » se répand. Les espaces de travail, les bureaux et des meubles modulaires étaient aménagés dans un plan ouvert pour favoriser la liberté des mouvements tout en protégeant l’intimité des salariés. Les espaces de travail étaient souvent semi-fermés avec des cloisons.

9) Le bureau à cloisons à l’ère de la mondialisation

Quand : années 1980 et 1990.
Où :
monde entier. Plus particulièrement connu dans les sites des entreprises de technologie comme IBM ou Microsoft.
Caractéristiques :
plan ouvert, des espaces fermés par cloisons à la hauteur de la poitrine pour faciliter la surveillance.

Le bureau à cloisons : un espace de travail typique des années 80 et 90, aussi appelé « ferme à cubicules » dans le monde anglophone

Dans les années 80, le bureau à cloisons devient le bureau iconique d’une époque où l’informatisation du travail était un phénomène florissant. Il s’agit d’un plan ouvert avec des bureaux individuels attitrés séparés par cloisons. Avec la rentabilité comme motivation première à la suite du choc pétrolier, cet aménagement donnait à chaque salarié son propre espace de travail tout en économisant de l’argent à l’entreprise. Les cloisons à la hauteur de la poitrine permettaient aux managers de voir ce que faisaient leurs équipes.

10) Tiers-lieux et coworking, sous l’ère numérique

Quand : au début du XXIe siècle.
Où :
monde entier. En France, les espaces de coworking Morning.
Caractéristiques :
des plans ouverts avec un aménagement plus fluide, de nombreux espaces communs, des bureaux avec cloisons en verre.

L’espace de coworking : l’un des espaces communs de Morning Balard, à Paris

Et nous voici au XXIe siècle, la révolution digitale est passée par là : la numérisation de nombreux métiers et l’émergence de technologies donnent beaucoup de marge aux concepteurs d’espaces pour les penser en fonction des besoins des salariés devenus ultra-mobiles. Les nouvelles formes de travail, plus flexibles et collaboratives, font des tiers-lieux et des espaces de coworking les espaces de travail par excellence.

Voilà ! Plus de deux mille ans d’évolution de l’espace de travail en 10 moments de la civilisation. Impressionnant, n’est-ce pas ?

Donc, à chaque fois que vous partez travailler, que ce soit dans un bureau fermé classique ou bien un bureau partagé ou un espace de coworking, sachez qu’il y a une histoire riche de transformations et de manières d’aborder cette activité fondamentale de notre société qu’est le travail.

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François Bénard

Responsable éditorial, Morning.

François est responsable éditorial chez Morning. Ce qu'il préfère dans cette aventure ? Les rencontres et les échanges avec les voisins pour se réinventer en permanence.